Vue panoramique de Clermont-le-Fort
Les Amis de Clermont‑le‑Fort

Il y a 100 ans : l’éboulement de la Mirande

Le 19 novembre 1911, le Conseil municipal de Clermont, était réuni en séance « ordinaire » pour aborder les sujets « ordinaires » : l’assistance médicale gratuite, la liste des répartiteurs, la liste électorale… Mais avant de terminer il traita d’une question plus particulière :

« A la suite de la séance, M. le maire appelle l’attention du Conseil sur les éboulements qui se sont produits à la roche de la Mirande appartenant à M. Sendrail, il l’invite à délibérer sur la situation créée au passage du bac à la suite des dits éboulements. Le Conseil

Ouï l’exposé de M. le maire

Après avoir visité les éboulements qui se sont produits en amont du passage du bac

Considérant qu’une grande quantité de terres et de roches se sont éboulées et ont roulé dans le lit de l’Ariège et qu’à la suite de ces éboulements, le chenal de la rivière s’est resserré au moins des deux tiers,

Considérant qu’en aval des éboulements, l’eau fait des remous dangereux qui rendent le passage difficile avec les basses eaux et impossible avec la moindre crue,

Considérant que les causes ci-dessus s’ajoutent à celles qui ont été exposées dans les diverses délibérations du Conseil municipal demandant la construction d’un pont à Clermont,

Demande avec plus d’insistance que jamais que le Conseil Général veuille bien comprendre au plut tôt dans le programme des travaux à exécuter pour le chemin vicinal n° 1 de Clermont, la construction d’un pont pour faciliter les communications entre les deux parties de la commune séparées par l’Ariège. »

Ce texte signale l’ampleur du désastre (la grande quantité de terres et de roches), le rétrécissement du lit de la rivière, mais il déçoit parce qu'il ne précise ni quand, ni comment cela s’est passé. En fait, les élus voient dans la catastrophe un bon argument pour apitoyer l'administration et obtenir la construction d'un pont tel que celui qu’avaient depuis peu obtenu leurs voisins de Lacroix-Falgarde.

De fait, je n’ai pas trouvé d’autre compte rendu de l’événement ni dans le journal La Dépêche ni aux archives départementales. Dans mes archives familiales, cependant, une source écrite, fiable mais laconique, me fournit une date : 6 octobre (jour qui, en 1911, tombait un vendredi). Un témoignage oral m’assure qu’on avait fait la fête et dansé sur la Mirande la veille. Pourquoi faisait-on la fête jeudi 5 octobre ? Je l’ignore. Ce que j’ai maintes fois entendu est que pendant la nuit, il y avait eu un grand bruit « semblable à deux détonations ». Ce que soulignait le récit familial, c’était la surprise de l’habitant de la Borde sortant le matin sur le pas de sa porte : il apercevait les maisons de la Riverotte qui jusque-là étaient cachées par l’avancée de la Mirande…

État des lieux, présent et passé

Comment se présentait alors cette Mirande  qui a disparu ? Le toponyme occitan, d’origine latine (miranda de mirari), dans son emploi le plus ancien, désigne un belvédère pouvant porter une tour de guet. Avant 1911, la colline qui porte le Fort se prolongeait par un large plateau que j’ai toujours entendu nommer « la grande Mirande ». (Il reste la « petite Mirande », dernier belvédère qui domine toujours une partie des Fraysses). La pente de cette grande Mirande devait être comme la pente qu’on aperçoit de la D 820 au-dessous de Marcounat, une pente forte mais couverte de végétation et entrecoupée de replats qui étaient cultivés. Le cadastre de 1808 montre quatre champs. La pente offrait une excellente exposition pour les arbres fruitiers et la vigne : je me rappelle deux vignes superposées où l’on vendangeait encore au début des années quarante.

Cadastre Clermont 1808

Regardons maintenant le paysage actuel : la pente est verticale, parfois en surplomb. Depuis cent ans, la végétation n’a pas pu s’accrocher. De mini éboulements ont lentement rétréci l’espace en avant de la maison où passait le chemin des Fraysses et où avait été planté un jardin d’agrément dont subsistent quelques buissons. A l’ouest, une large avancée était l’endroit idéal pour faire le feu de la Saint-Jean.

Les suites de l’éboulement

Dans l’usage local, l’éboulement, c’était à la fois l’événement et le site résultant de la catastrophe. Je m’étonne de n’avoir vu, dans la suite du registre des délibérations municipales, aucune autre mention des mesures qui durent être prises. La rive droite de l’Ariège avait été grandement modifiée. Jusque là, un bac pouvant transporter des charrettes était amarré tout près de la maison du passeur. Or la quantité de terre éboulée avait formé une île, séparée de la rive droite par un bras d’eau de 2 ou 3 mètres de large. Il en reste un petit vallon asséché.

On dut donc déplacer l’embarcadère en amont de la pointe de la nouvelle île et, pour y arriver, prolonger le chemin communal d’une petite centaine de mètres. Le bac pour charrettes fut abandonné. On se contenta d’un bac pour piétons en espérant la construction prochaine du pont tant réclamé.

La falaise, sans la protection d’une couverture végétale, continua à être minée par des éboulements partiels mais il n’y a pas eu d’autre effondrement massif et brutal : le bâtiment de la Borde a pu être habité jusqu’en janvier 2007.

Quelles causes possibles ?

Il semble qu’en bas du Fort, l’Ariège sape le rocher qui détourne son cours. Des gabions ont été apportés en 1958 en amont de l’embarcadère pour protéger une partie de la rive. Cependant, il ne semble pas que la rivière soit responsable de l’éboulement. On parle de sources arrivant souterrainement. Ce que confirmerait le témoignage qui m’a été rapporté : quelqu’un a vu un jour, du pont de Clermont, l’Ariège rouler des eaux boueuses alors que repartant par le pont de Venerque, la même personne constata que l’eau était claire en amont.

La falaise de Clermont-le-Fort vue d'en bas

Comme l’explique l’article du géologue Bernard Crochet (Référence ), la falaise de Clermont permet une bonne observation des couches molassiques déposées par les eaux descendant des Pyrénées qui forment notre sous-sol. Les marnes, de couleur ocre qui forment des barres en saillie, contiennent quelquefois assez de calcaire pour résister à l’érosion. Les autres, formées de graviers plutôt siliceux, offrent une moindre résistance. Observez le rocher qui est à nu sous la première maison à l’entrée du Fort: il appartient à une couche bien calcifiée ! Espérons qu’il en est de même pour la totalité de la motte qui porte le hameau.